Arnaud Desjardins : Mon blog sur son ashram Les amis d'Hauteville

Honorer son père et sa mère

Honorer son père et sa mère : une histoire intemporelle

 

A la fin de la 2nde guerre, il a été demandé à tous de se désolidariser des ancêtres impliqués dans la shoah (ce qui se comprend). 

Quand on parle de cette période à un blanc, la plupart du temps, il se défend d'être français. Il se dit polonais, espagnol, tout ce qu'on veut sauf français et il précise souvent que ses grands-parents étaient des résistants. 
Or on sait bien que les résistants étaient rares pour des raisons très simples :

- l'individu se conforme naturellement à la société dans laquelle il vit pour une question de survie et l'éducation se fait par imitation (le mot éducation est à prendre ici dans le sens de formation de la pensée, donc chez les adultes aussi). 
Chez les animaux aussi, l'individu doit faire comme ses pairs pour être accepté et aussi pour survivre. C'est vrai dans toutes les sociétés de toutes les époques, même aujourd'hui. La preuve en est que les résistants de l'époque étaient fusillés, il ne faut jamais oublier qu'ils en sont morts, c'était très dangereux et personne n'entrait dans la résistance par idéologie (revoir l'excellent film Mr Batignolles). Les vrais héros ne sont jamais des gens qui ont cherché à faire une action héroïque pour des raisons égotiques (être bien vus dans la société par exemple) mais parce que la vie les a obligés à prendre un autre chemin. Je préfère les anti-héros à Bruce Willis qui sauve le monde parce qu'ils sont vrais.

- très peu de personnes ont la capacité de s'arracher à l'emprise du collectif puisqu'être un résistant consiste à aller à contre-sens de toute la pensée apprise depuis le berceau par tout le monde. 

Né en 17 parle précisément de cela. 
On peut supposer que Jean-Jacques Goldman est un esprit particulièrement éclairé capable d'aller au-delà du jugement mental pour poser un regard objectif (et plein d'amour) sur l'humain en voyant clairement l'humanité bien réelle qui existe chez des gens qui ont pourtant fait beaucoup de mal à ses ancêtres et au peuple juif. Cette chanson est extrêmement intéressante à beaucoup de points de vue et on y reviendra parce que personnellement, j'estime qu'elle devrait être enseignée à l'école. 

74 ans après la fin de la guerre, la France est toujours divisée en deux blocs (purement mentaux et donc imaginaires) : les bons face aux salauds. Des pensées (même en moi) s'élèvent pour remettre en question le mot "imaginaire" que j'ai utilisé et supposent (complètement à tort) que je nie l'existence des salauds (et donc pire encore de l'existence de la shoah !). 
C'est pour ça que c'est très difficile de réfléchir sur la question. 
Les obstacles se trouvent à l'intérieur du mind (mot anglais utilisé par Eckhart Tolle et qui correspond au mot mental en français d'Arnaud Desjardins, comprenant la pensée et l'émotion). 
Pour ne pas entrer dans une polémique à la fois inutile et injuste pour ceux qui veulent juste réfléchir sur leur environnement, encore une fois, relire Né en 17 et essayer de regarder Mr Batignolles avec ce même regard (au-delà des réactions mentales, au delà de la petite histoire qui se raconte dans notre tête). C'est comme ça qu'on transcende notre conditionnement. Notre regard ne vient plus des influences de notre éducation et de notre vécu mais de cet état de conscience plus profond qui transparaît dans les paroles de la chanson de Jean-Jacques Goldman. 

Né en 17 permet de comprendre profondément ce qui s'est passé pendant la guerre sur le plan psychologique. 
Condition sine qua non pour que cela ne se reproduise pas.
Et cela permet aussi réconcilier les Français avec eux-mêmes, condition sine qua non de la paix. 

On dit couramment aujourd'hui que grâce à l'Europe, il n'y a pas eu de guerre depuis 70 ans. Mais j'ai aussi entendu dire que s'il n'y a pas eu de guerre, c'est juste parce que les gens ont en marre de la guerre ; ce que je trouve complètement vrai aussi.
Il ne s'agit pas pour moi, ici, ni d'être pour ni d'être contre cette question politique bien sûr, on l'a bien compris, j'essaie juste de comprendre le monde qui nous entoure avec un autre regard parce que si on veut faire quelque chose pour l'environnement intérieur et extérieur - comme pour faire quoique ce soit, il faut poser sa pierre à l'édifice et ne pas laisser ce travail aux seuls esprits éclairés sinon cela prendra des millénaires, je ne vous dis pas la société qu'on laissera à nos enfants !

Je crois, moi, qu'on ne peut bâtir sur un conflit aucune vraie paix (celle qui fait du bien à tout le monde, ce qui rend les gens authentiquement heureux). Et la France est toujours en conflit avec elle-même, on le voit bien : la société n'est pas heureuse, ni avec ses habitants d'origine ni avec ses nouveaux habitants de l'après la guerre. 

Donc, depuis la fin de la guerre, ce qu'on appelle l'ego, c'est-à-dire le sens du moi des Français exige qu'ils se mettent dans le camp des bons se battant contre le camp des salauds.
Camp représenté mentalement par des caractéristiques établies par le mind 
qui considère comme le mal tout questionnement sur son arbre de la connaissance du bien et du mal
concluant tout à fait abusivement que cela revient à dire, en l'occurence que la shoah n'est pas un mal. 
C'est ça qui est terrible. Les textes n'en parlent pas pour rien. Il est dit qu'Adam et Eve ont été exilés du paradis à cause de cet arbre. 

J'ai lu l'ancien et le nouveau testament en vietnamien, je ne sais même pas si j'avais 5 ans. Il se trouve que quand j'étais petite, je voulais aller à l'école, je jouais tout le temps à l'école, ce qui explique pourquoi je savais déjà lire et écrire à mon 3ème anniversaire. 
J'ai donc découvert la bible, l'histoire de dieu et de Jésus avec des yeux complètement innocents d'un enfant de cet âge, donc non conditionnés ou très peu conditionnés. Et je n'ai vu dans ces textes aucun interdit d'être ce que l'on est. 
Ce qui tranchait complètement avec l'éducation religieuse que j'ai reçue plus tard et qui disait que j'ai été créée par dieu mais qu'il ne me trouverait pas assez bien pour lui et que par conséquent si je ne changeais pas, je serais condamnée, même pas à mort (cela aurait été heureux) mais à souffrir éternellement en enfer ! J'ai constaté que dieu était carrément plus cruel que moi et aussi complètement injuste parce que si je suis sa créature et que je ne suis pas assez bien, c'est de sa faute à lui seul. Pourquoi il me punirait, moi ?

Cette contradiction entre ce que j'ai vécu et ce qu'on m'a dit de dieu a probablement formé mon esprit critique. C'est vrai que je critique tout, non pas pour critiquer gratuitement mais ici, par exemple pour essayer d'être plus rationnel et sortir de la croyance qui, comme le dit André Comte-Sponville, n'est pas un savoir. 
La croyance est une pensée, donc un point de vue fragmentaire et une expression de la peur du vide du mental. 
Sans ses croyances, l'individu a peur de n'être plus rien parce que comme dit Eckhart Tolle, on n'est pas ou très peu conscient qu'on est plus que notre mental. L'humain ne voit pas que le mental est juste un sens comme la vision ou l'ouïe. Il se prend pour sa pensée alors qu'il est l'espace de conscience où la pensée se produit. C'est un dysfonctionnement naturel, c'est-à-dire inhérent à notre condition humaine mais qui est aussi pathologique que si on se prenait pour ce que l'on voit ou entend. 

Pour le mental, c'est-à-dire la pensée conditionnée par l'éducation et l'environnement, l'exil est une punition de dieu. Le mind a une relation très infantile avec dieu et raisonne beaucoup en termes de punition-récompense, l'enfer et le paradis. En vérité, dieu n'a jamais puni personne. Cet exil décrit l'évolution de l'être humain quand on est sorti de notre animalité. En acquérant la capacité à penser et à conceptualiser, on a aussi établi mentalement chacun et collectivement l'arbre, les arbres de la connaissance du bien et du mal qui nous empêchent par l'identification au courant des pensées conditionnées qui occupent notre esprit à longueur de temps, de voir les choses aussi objectivement que ce qui est montré dans Né en 17

Ce n'est pas parce qu'on a perdu le sens des textes sacrés qu'ils parlent des choses qui n'existent pas. Mais ce dont cela parle ne peut pas être imaginé ou appréhendé par la pensée parce que ce n'est pas conceptualisable et se trouve donc en dehors d'elle. On peut réfléchir très efficacement sur les textes mais on ne peut vraiment les comprendre qu'en méditant sur eux, c'est-à-dire en les lisant avec un regard non obscurci par le flot constant des pensées. 

Pour revenir à la période nazie et conclure, je dirai que la Shoah et la collaboration ont été plus la faute des dirigeants que de la population qui a été manipulée et obligée de se conformer au correct de l'époque, comme toujours, l'humain est un animal social, il peut difficilement vivre en dehors de la société dans laquelle il est inséré. Honorons donc nos ancêtres même s'ils ont participé au mal de la société de 39-45 car comme l'a dit Jean-Jacques Goldman : Aurais-je été meilleur ou pire que ces gens si j'avais été allemand ? 

1er novembre 2019
 

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