Arnaud Desjardins : Mon blog sur son ashram Les amis d'Hauteville

Méditation musicale

Méditation musicale 

Pont entre la pratique et l'interprétation

En général,
quand on se met en méditation que cela soit en position assise ou en mouvement,
d'abord on n'est pas bien avec l'arrivée de la pensée qui perturbe notre conscience du corps ou en l'occurrence notre écoute de la musique,
et quand on veut bien accepter et ressentir, c'est souvent avec l'arrière-pensée de s'en débarasser :-) (alors que l'artiste veut transmettre l'émotion au public)
Et comme ça marche : effectivement l'émotion diminue quand on l'embrasse, quand on l'épouse,
on cultive l'intention de continuer à l'embrasser mais pour s'en débarasser
et on se heurte au plafond de verre.
Le psychologue, Carl Rogers, disait que pour qu'un patient change, il faut accepter totalement, complètement qu'il ne change pas. Il faut s'accepter exactement tel que l'on est sinon malgré quelques réussites, on ne progressera pas plus parce qu'en voulant se débarasser d'une composante de nous-mêmes, on manifeste notre non-amour pour nous-mêmes. Et si on se rejette, on ne peut aimer personne et on ne peut rien jouer non plus. L'acteur peut ne pas s'aimer dans la vie, sur scène, pendant son jeu, il s'aime inconditionnellement. Sinon il ne peut pas jouer. Muriel Robin a dit "qu'elle ne laisserait sa place à personne". Ce n'est, à mon avis, pas tant pour les applaudissements que pour la liberté qu'elle expérimente sur scène.

Voir cette attitude envers la pensée et l'émotion perturbatrices permet de réaliser la façon dont on se traite, dont on traite ses désirs et ses craintes (exprimés par la pensée et l'émotion). Il faut que ce constat nous choque parce que c'est la réalité de notre absence d'amour pour nous-mêmes. Cela fonctionne comme ça chez tout le monde mais c'est très flagrant chez les chercheurs parce que dans le bouddhisme, on parle de détruire l'égo et tuer le désir. Il faut faire très attention aux mots sinon c'est n'importe quoi. Arnaud dit qu'on peut à la fois considérer que l'égo doit être détruit et que l'égo doit s'élargir parce que quand je suis tout ou quand tout est moi, il n'y a plus d'égo dans le sens il y a mon petit moi par rapport à tout ce qui n'est pas moi. Arnaud n'a jamais dit non plus qu'il ne fallait pas réaliser ses désirs tout en étant d'accord avec la nécessité de "tuer le désir" dans le sens ne plus être mû par lui, ne plus en être esclave. C'est bien ce que dit l'Enseignement, dites-moi si je me trompe.

J'ai pris l'exemple du jeu vidéo dans Présence sur scène et ailleurs. On va le reprendre ici parce que c'est très parlant.
Si on veut se débarasser des difficultés du parcours, le jeu-vidéo de voitures n'offre aucun plaisir. On se tape les platanes, on fait des sorties de route, on va à une allure de tortue, c'est chiant.
Comme la descente de la rivière à la nage, exemple pris par Arnaud Desjardins dans un de ses livres. Si on refuse les obstacles, on se fait baloter à gauche à droite, on se tape les rochers, on boit la tasse, c'est épouvantable.

Pour cette méditation musicale, je conseille de ne mettre que des chansons qu'on aime pour rester plus facilement sur la musique. La pensée partira moins dans tous les sens.

Donc, on écoute des chansons qu'on aime. Et on regarde tout ce qui se passe en nous, pensées, émotions, position du corps, comme en méditation assise.
Et comme en méditation assise, on ne ferme pas les yeux pour garder une conscience de ce qui se passe autour de nous. Si quelqu'un, un enfant ou le conjoint vient nous déranger dans notre écoute, que se passe t-il en nous ? C'est important de le savoir parce que c'est la même réaction avec les pensées jugées perturbatrices, c'est-à-dire nous. L'extérieur est le reflet de l'intérieur, a dit Annick, l'épouse de Geoffroy d'Hauteville.
Donc une pensée ou quelqu'un vient. Regardons notre réaction d'abord, puis le contenu. Que dit la pensée ? Que dit la personne ? Quel est le désir qu'on me demande ou que je me demmande de réaliser ?
Puis, la pensée peut vouloir chanter ou chantonner avec le disque. Regardons notre réaction. Qu'en pensons-nous ?
Et si on pousse la chansonnette, que se passe t-il en nous et comment le prenons-nous ?

 
Puis allons plus loin en donnant la parole aux pensées, même celles qui ne sont pas contentes, même celles qui critiquent, même celles qui ont peur, qui se trouvent nulles ou qui sont frustrées. Ces pensées sont en fait nos désirs, nos enfants, pour certains difficiles parce que malheureux de n'avoir justement jamais reçu l'amour dont ils ont besoin pour grandir. Et comme on ne se bat pas contre ce qui est, on a de l'énergie et si on chante, on peut "balancer" quand il faut balancer, la voix est là. 

Comme la présence et l'amour sont importants pour les "enfants", participer à leur jeu, l'organiser même, comme les responsables de l'Orangerie peuvent organiser nos "jeux". Confucius a dit qu'il n'y a pas de matériau improductif : même la pensée qui se trouve la plus nulle a une place dans cette activité musicale. Il ne faut donc surtout pas la rejeter mais lui donner un rôle où elle se sent utile.
S'il y a des réflexions à mener sur l'interprétation d'une chanson ou sur la prochaine scène, organiser une réunion et donner la parole à chacun.
Tout cela rassure les désirs sur notre volonté de nous occuper d'eux.

Si on ne se contente pas d'accepter les pensées et les émotions, si on va plus loin en leur donnant de l'amour maternel, on s'aperçoit que nos désirs jusque là plus ou moins inconscients ou nos "enfants" , loin de vouloir agir dans l'ombre à notre place (et parfois contre notre intérêt), se montrent soulagés et reconnaissants de trouver enfin un adulte bienveillant pour s'occuper d'eux et ils lâchent leur pouvoir contraignant sur la personnalité globale parce qu'ils ont confiance. Et les désirs tombent alors qu'on ne les a peut-être pas encore réalisés ; les "enfants" ont grandi.

Une fois qu'on a fait cet acte d'amour pour soi, l'émotion n'est plus une ennemie à éliminer. On peut alors relier ce que l'on ressent à la musique pour voir qu'en fait, cette émotion est compatible avec ce que nous voulons - même si ce n'est pas ce que nous voulions ressentir. On peut ressentir cela, quoique ce soit, ou même rien et donner une interprétation très profonde de la chanson. 
Cela fait grandir la confiance en soi ou en la vie et diminue les pensées qui ne sont pas d'accord et qui ont peur de ne pas atteindre leur objectif. 

J'ai dit dans Présence sur scène et ailleurs à propos du jeu vidéo de rallye qu'il faut lâcher l'objectif de battre des records pour se concentrer sur les détails de la route. Il y a un vrai renoncement parce qu'il ne s'agit pas de faire semblant. Mais il n'y a aucun renoncement parce qu'en se concentrant sur les détails, en étant bon à tous les virages, on a toutes les chances de faire des records. Et quand le désir voit que c'est dans son intérêt de lâcher l'objectif, la contrainte qu'il exerce sur nous se relâche parce que le désir accepté est intelligent. 

Et vous verrez le talent de vos "enfants"

et donc le votre !
:-) :-) :-)

Je vous promets que ce n'est pas une théorie.

On peut buter sur la contradiction apparente que pose cet exercice avec l'injonction qu'on nous donne à Hauteville de ne pas alimenter la pensée et l'émotion. C'est un vrai koan à résoudre si on veut transmettre des émotions au public parce qu'en vérité, il n'y a aucune contradiction : on peut écouter la musique, chanter, penser, réfléchir, ressentir, stresser même et être présent tout en même temps. Il peut y avoir un décalage entre la pensée et la conscience consciente de la pensée mais ce n'est pas grave et à force de donner la parole à la pensée en l'accompagnant par la présence, le décalage sera de moins en moins important et parfois, on arrive à tout faire en même temps.

Tentez l'expérience le temps d'une chanson ! Vous allez vous é-cla-ter ! Cette méditation musicale fait du bien à l'esprit et au corps parce qu'on aura passé un bon moment avec soi-même, un moment joyeux et intimiste. Et ce qui se dégage de l'ambiance est similaire à l'atmosphère des chantiers d'Hauteville.

Et quand vous vous seriez occupés de la sorte de vos "enfants", racontez votre expérience en chantant une chanson d'amour. Vous pourriez n'avoir jamais connu l'amour dans votre vie, vous sauriez quand même de quoi vous parlez.  
 

30 juin 2019

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