Garde de l'ashram 2019

D'habitude, cela ne se passe jamais comme ça à Hauteville pour moi. 
Là, juste après ma nuit sur la tombe d'Arnaud, on m'a reproché tout et n'importe quoi, mes "collègues", les gardiens de l'ashram, disaient que je ne respectais pas les règles de l'ashram alors que c'était complètement faux, à part l'utilisation du portable en tant que torche - et cela, personne ne le savait à part Nathalie et Cedric qui ne m'ont certainement pas balancée, j'ai respecté toutes les règles, les lieux de silence, le service à l'ashram, j'ai tout respecté. Les règles étaient juste un prétexte pour me dire que je dérangeais et qu'il fallait que je parte. 
Donc, comme de toute façon, j'y allais surtout pour aller sur la tombe d'Arnaud, je me suis dit OK, j'ai fait ce que je suis venue faire, je rentre. Et cela a arrangé tout le monde, y compris Thierry Martin qui, il parait, s'est pointé quand je faisais le ménage dans ma chambre avant de partir. 

Je sais, oui, que je ne suis plus la bienvenue à Hauteville, au moins en séjour, parce que je critique leur pratique de la psychologie. Et je suis d'accord pour ne plus faire de séjour parce qu'effectivement, si j'entends Emmanuel ou un autre enseignant faire de la psychologie, cela me casserait les pieds. 

Mais si je suis toujours liée à Hauteville, c'est parce qu'à la base, Swâmi Prajnanpad n'a introduit la psychologie et développé les lyings que pour les Occidentaux ; selon Arnaud, les Asiatiques de cette époque (1950-1970), parce qu'ils avaient reçu une meilleure éducation n'étaient pas aussi mentalement empêchés que les Occidentaux. Je me rappelle plus du livre dans lequel Arnaud en a parlé mais je me rappelle très bien de ça. La psychologie n'est pas indispensable au chemin que propose Arnaud. C'est une adaptation pour les Occidentaux. 

Du coup, qu'il se soit trompé sur ma psychologie n'a absolument aucune importance, Arnaud Desjardins était un maître spirituel, pas un thérapeute. Et Hauteville doit continuer d'exister parce que je n'aurais pas pu, il y a 20 ans, aborder le moment présent de manière aussi directe qu'aujourd'hui. Ma psychologie m'en empêchait. Le matin, je me disais qu'il fallait penser à la présence dans la journée et le soir, je me disais Zut, j'ai complètement oublié. Aujourd'hui, je suis très très loin d'être présente tout le temps mais j'y pense tout au long de la journée. 

Et si je n'avais pas rencontré Hauteville, sincèrement, je ne sais pas du tout où je serais aujourd'hui tellement j'étais mal avec moi-même. Eckhart Tolle a dit que l'éveil lui est arrivé un soir de déprime où il se disait qu'il ne pouvait plus vivre avec lui-même plus longtemps. Je n'en étais pas encore aux envies de suicide comme lui mais je ne m'aimais pas du tout du tout du tout, principalement à cause de l'éducation religieuse que j'ai reçue. Mes parents ont fait des erreurs comme tous les parents et on peut dire que j'ai été "traumatisée" dans le sens où cela m'a salement marquée oui mais c'est surtout mon éducation religieuse qui m'a donné la haine de soi considérée en Occident comme une caractéristique de l'être humain alors qu'en vérité, la culpabilité n'est pas du tout inhérente à notre nature, elle nous a été inculquée depuis l'enfance par la mentalité judéo-chrétienne.

Donc, je me sens vachement mal vis-à-vis de l'ashram parce que j'aime profondément Hauteville. Et si j'étais riche, je ferais des donations importantes parce que je veux qu'Hauteville continue d'exister. 

***

Je suis arrivée le mercredi 25 décembre vers 16h, je crois. J'ai pris tout mon temps pour venir parce que j'adore faire de la route, les kilomètres qui défilent, c'est comme une méditation. Oui, moi aussi, je suis complètement "dedans", je médite tout le temps. Je peux méditer assise quand je suis en séjour à l'ashram mais Arnaud disait aussi que ce n'était pas indispensable et cette fois, ce n'était pas un séjour classique puisqu'on n'était là normalement que pour garder l'ashram. Mais les gens méditent tous les matins et tous les soirs comme d'habitude. Comme pour les croyances, je n'empêche pas les gens de croire et de faire ce qu'ils veulent. Vraiment vraiment. Mais c'est aussi possible que mon absence du dojo ait dérangé les bonnes âmes. 

Donc, à mon arrivée, tout va bien. Il n'y avait personne à l'accueil mais on a pensé à mettre un petit mot à mon intention pour m'inviter à rejoindre tout le monde dans la salle des invités où on fêtait un anniversaire. 
Cool. Cela me convient. J'aime bien. J'y vais et tout va bien. 

Je reconnais Jean-Paul avec qui j'ai eu l'occasion de travailler à l'extérieur il y a 15 ans, peut-être aussi sur le chantier de Ranchi, je ne me rappelle plus. Il était chargé d'animer l'équipe des gardiens pendant les fêtes. On se réunissait tous les matins pour décider de qui allait faire quoi. Je devais dégager les feuilles mortes des allées. J'aimais bien faire ça. Je dégage non seulement les allées mais aussi les bords des pelouses parce que j'aime bien voir les bords surtout la nuit pour ne pas tomber et je trouve ça plus joli. Le travail est très pénible par rapport au travail à la cuisine. C'est beaucoup plus physique que de découper des légumes. On ne dirait pas comme ça mais c'est dur, j'avais mal au dos parce qu'il fallait se pencher pour ramasser les feuilles qui restaient après le ramassage des gros tas. Personne ne m'a dit de faire ça comme ça mais si je ramasse des feuilles mortes, je ramasse tout, après mon passage, il n'y a plus une seule feuille qui traine. J'aime travailler comme ça. Soit je fais tout bien, soit je ne fais rien.
J'ai fait ça aussi sur le carré musulman du nouveau cimetière de Montigny (cela ne se fait pas de toucher aux tombes des autres mais il n'y avait personne là pour être choqué) après avoir vu le monument en ossements d'Arnaud dans une des stèles du carré. 
Quand on voit un carré musulman pour la 1ère fois, ça choque parce que les formes sont différentes. Mais quand on prend la peine de regarder vraiment, les stèles musulmanes sont super super belles. Elles sont même plus belles que les autres formes. Et on les retrouve aussi dans les églises, surtout dans les "armoires" où on range les hosties. J'ai vu ça dans la grande église de Pontoise je crois, celle où on ordonne les prêtres.  

Donc, pendant le "seva" (service à l'ashram), comme le travail demandait beaucoup d'énergie, j'avais faim avant le repas de midi. Une grosse fringale. Et je ne sais pas si c'était de l'hypo-glycémie (je suis diabétique) mais il fallait que je mange, des trucs sucrés, des fruits mais aussi des gâteaux sinon ma vision se brouille et je ne suis pas bien du tout. J'aurais bien sûr pu aller m'acheter ce qu'il faut pour me faire une réserve dans ma chambre mais j'ai entendu dire à la réunion qu'ils ont explosé le budget bouffe de la semaine, je vois que les fruits qu'on peut manger entre les repas sont fanés, dans la chambre froide, il y a trois choux et deux carottes, en me baladant dans les rayons d'Auchan, j'ai eu envie de faire les courses pour tout l'ashram.
J'aurais dû donner de l'argent à Jean-Paul comme on fait une donation à chaque séjour. Mais on ne m'a pas parlé de donation et cela m'a prise comme ça en faisant les courses pour moi, j'ai fait les courses pour l'ashram en me disant Voyons, de quoi on a besoin ? Comme il y avait une petite fille là avec sa maman et qu'en plus, je trouve la nourriture pour enfants super bonne pour les adultes aussi, j'ai acheté des pains au chocolat, du Baby vanille pour le matin, j'ai acheté du coca avec et sans sucre, j'ai acheté du Kinder, des yahourts, des nuggets aussi et des steaks hachés et tout ce qui me donnait envie et que je pensais donnerait envie à tout le monde. 

Une première fois, j'ai juste acheté de quoi faire un repas : des fajitas avec du poulet qu'on a fait avec les légumes qui restaient, des choux rouges et des carottes (au lieu des tomates et des poivrons comme je fais d'habitude). J'ai fait à manger pour tout le monde et tout le monde a apprécié. Mais la 2ème fois, cela a été la catastrophe. Il aurait fallu que je porte moi-même les sacs et que je fasse à manger comme la fois d'avant. On m'a reproché de ne pas avoir pris ce qu'il faut (bio, tisane au lieu du thé...etc...etc...), on m'a pris la tête mais d'une façon monstrueuse pour ces courses. Il y en a un qui boudait même le repas végétarien que je voulais préparer dans la semaine (j'avais acheté des champignons de Paris que je voulais faire à l'ail avec des tomates au persil et des pommes de terre sautées) parce que Monsieur ne mange que des légumes achetés chez le producteur ! Qu'on m'explique la différence entre des champignons achetés chez le producteur et les champignons achetés chez Auchan probablement du même producteur mais emballés dans une usine ! Ce n'est pas parce que les légumes passent sous une machine industrielle qu'ils perdent de leurs qualités nutritives, c'est n'importe quoi. 
Donc, ils n'ont pas voulu de mes courses. Ils n'ont pris que les trucs périssables parce que je leur ai dit qu'ils pouvaient même tout foutre à la poubelle, je n'en avais rien à battre et ils ont laissé tout le reste dans un sac...

Mais quand je vous dis qu'on m'a pris la tête pour ces courses, il fallait le voir pour y croire ! On s'est même engueulés ! Maryse Morin, venue chercher son courrier (il y a une seule boite aux lettres à la fois pour l'association et pour les gens qui habitent à Hauteville), a dû intervenir parce qu'on s'engueulait au point d'oublier la présence. Et le lendemain, alors que j'étais passée complètement à autre chose (la tombe d'Arnaud), ils en parlaient encore du "clash" d'hier. C'était invraissemblable. Invraissemblable. 

Et pour la galette, c'était pareil. En rentrant des courses, je m'arrête à la boulangerie parce que je voulais prendre du pain aux noix. J'ai horreur de leur pain complet, il n'y a pas d'air dans la mie, cela vous tombe sur l'estomac comme une pierre. Et là, je vois que la boulangère a déjà des galettes, je me suis dit Ce n'est pas un séjour classique, on s'organise entre nous, rien ne nous empêchait de se faire une galette, je ne voyais pas où est le mal. Mais oh là là, il faut l'autorisation du permanent de service et tout le tremblement, on se demande s'ils n'attendent pas une autorisation spéciale pour aller aux chiottes...Donc, pour faire taire cette objection, j'ai invité Jean-Paul et sa famille (il était avec Sylvie à l'époque et finalement, ils ne sont plus ensemble). Et pour qu'ils ne soient pas gênés par le fait que c'est moi qui ai payé, pour qu'ils profitent pleinement de toute cette nourriture, j'ai même essayé de leur faire croire que j'ai fait les courses avec l'argent de l'ashram. Cela n'a pas marché parce que parmi les gardiens, il y avait des gens qui s'occupaient du budget avec Jean-Paul. :-) Mais c'est pour dire que j'ai tout fait pour que tout le monde soit bien. Mais cela a fait l'effet inverse. :-( 
J'étais prête à leur offrir la galette alors que je partais, je voulais bien qu'ils se fassent cette galette sans moi mais j'ai annulé parce que c'était fait pour faire plaisir, si cela ne fait pas plaisir, il n'y avait plus de raison. 

Je ne sais pas du tout si on me laissera retourner sur la tombe d'Arnaud. Jean-Paul ne m'a rien reproché. Mais je ne sais plus quoi penser de tout ça. Si je n'ai pas accès à la tombe d'Arnaud, tant pis, on s'en fout même parce que si comme je le crois, Arnaud veut vraiment me montrer des choses, il me les montrera de partout et pas que de sa tombe même si je crois aussi qu'il veut que je revienne sur sa tombe. Mais il n'y a que moi qui y crois.

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La physique quantique dit qu’il y a « une conscience dans le vide de l’univers » (Lire L’infini dans la paume de la main, un livre écrit par un physicien quantique vietnamien dont je n’ai jamais pu retenir le nom et Mathieu Ricard, chercheur spirituel bouddhiste et ancien chercheur au CNRS, il n’y a pas de meilleure référence). 
C’est une découverte extraordinaire dont personne n’a parlé et c’est extraordinaire parce que cela remet en question les fondements même de la science classique qui affirme que la conscience est exclusivement liée au cerveau physique. 
Toujours selon le même physicien quantique, le fait que la table du salon disparaisse et apparaisse ailleurs n’est pas anti-scientifique même si à notre échelle comme cela ne pourrait se produire qu’une fois toutes les je ne sais pas combien de milliards d’années, on peut dire que cela n’arrive jamais. Mais moi, qui ne suis pas physicien quantique, je dis que cela arrive parce que je l’ai constaté.  Et ce n’est pas parce que je ne sais pas prouver mathématiquement que la voiture telle qu’elle est construite aujourd’hui a 4 roues que la voiture à 4 roues n’existe pas et que croire que cela existe est irrationnel. 
Donc, mes histoires de fantômes n’est pas irrationnelle, ce n’est même pas surnaturel parce que selon André Comte-Sponville, le philosophe, tout ce qui arrive dans la nature est par définition naturelle juste parce que cela arrive. 
La science classique, parce qu’elle a fait d’immenses progrès aux XIXème et XXème siècles, croit qu’elle sait tout et donc tout ce qu’elle ne connait pas, tout ce qu’elle n’explique pas ne peut pas exister et partant de ce principe, on considère tous les gens qui ont été témoins de manifestations non expliquées comme des arriérés à moitié débiles. C’est de l’obscurantisme, une légende populaire, c’est-à-dire une croyance non fondée sur un savoir. 
L’homme qui m’intéresse en ce moment ne s’intéressera pas à moi, je pense, parce qu’avec mes histoires, je ferais peur à n’importe qui. Platon parlait des ombres à l’extérieur de la grotte.  Dans son exemple, on a peur de ces ombres, on croit qu’elles sont séparées et différentes de nous alors que ce sont nos ombres. Oui, mes histoires fichent la trouille, je le sais bien, même moi, j’en tremble parfois.

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Quand je suis arrivée, Jean-Paul m'a dit en parlant des gens qui étaient là que c'était "de la famille". Cela se trouve, c'est vraiment de la famille d'Arnaud. Mais Christophe Massin n'était pas là. 
Le cas de Christophe Massin comme de Bao Petit qui est psychologue est un peu différent des autres praticiens parce qu'ils sont élèves d'Arnaud de très longue date, ils ne peuvent pas ne pas connaître l'esprit humain mieux que les autres déjà et aussi parce que "faire de la place en soi pour autrui" (parole de Christophe Massin) veut dire ne pas être ses pensées mais la conscience consciente de ses pensées et de ses émotions et aussi de ce qu'exprime le patient, ce qui revient à dire accepter le patient tel qu'il est. Et quand on se sent accepté tel que l'on est, on s'accepte et donc, on sort de la culpabilité et du refus de son ressenti qui empêchent de rester dans le moment présent et de guérir des "traumatismes" parce que les traumatismes ne disparaissent que quand tout le ressenti est pleinement accepté. Donc, comme ça, à priori, je les crois bons. Mais cela ne veut pas dire qu'ils voudront en discuter avec moi :-) et je m'en fous complètement à vrai dire. :-)
L'acceptation de soi arrive aussi  quand on voit par exemple un humoriste sur scène accepter quelque chose qu'on n'accepte pas en soi. Je me rappelle la fois où j'ai joué La lettre de Muriel Robin à L'Orangerie, je ne l'ai pas joué sur le bon registre (j'étais plus en colère que marrante) mais j'avais remarqué qu'une femme dans le public, une femme croisée avant le spectacle à Hauteville, semblait complètement soulagée après mon jeu et j'avais vraiment l'impression que mon sketch lui a permis d'accepter quelque chose en elle jusque là refusé. Et j'avais déjà vu ça sur moi en regardant d'autres personnes jouer à l'Orangerie. Oui, je crois que l'art, le théâtre peut être une très bonne thérapie.

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On parlait de l'erreur de Freud à table. Et comme je m'y attendais pour l'histoire de l'orgasme simulé, une dame me dit : Tu parles Des femmes alors que c'est toi qui...J'invite vraiment toutes les femmes à se poser sérieusement la question : Est-ce qu'on envie le sexe de l'homme ? Est-ce qu'on veut posséder leur engin ? Et aussi est-ce qu'on jouit comme eux ?
Et La plus grosse erreur de tous les chrétiens (et aussi Arnaud, très clairement), c'est de croire que les femmes doivent en quelque sorte se soumettre aux hommes, rester toujours un pas derrière le mec parce que Marie s'est agenouillée devant Jésus en disant Je suis votre servante. Mais Marie s'est agenouillée devant son fils, pas devant son mari ! Et ça, ça change absolument tout.
Avec tout le respect que j'ai pour Arnaud, avec même tout mon amour impersonnel, je ne tairai pas une telle erreur, erreur qui ne vient pas d'Arnaud à l'origine mais de Freud et qui a été reprise par Swâmi Prajnanpad parce que cette croyance correspondait à leur pensée d'homme. Ce n'est pas parce que Arnaud et Swâmiji étaient de grands sages que la possibilité d'une erreur n'existe pas : André Comte-Sponville qui est pourtant très rigoureux dans sa pensée et son écriture, en ne citant que la moitié d'une phrase de Swâmi Prajnanpad lui a fait dire très exactement l'inverse de ce qu'il a voulu dire ! 
Ceci étant dit, je reconnais en regardant sa femme, Véronique qu'il y a des choses bien dans la vision qu'avait Arnaud de la femme, je ne sais pas ce que c'est mais malgré ses vraies erreurs, il n'avait pas absolument tort sur tout non plus.